mercredi 10 septembre 2008

Paraître et apparences en Europe occidentale du Moyen Age à nos jours


Isabelle Paresys (dir.), Paraître et apparences en Europe occidentale du Moyen Age à nos jours, édité par Isabelle Paresys aux Presses universitaires du Septentrion, 2008, 397 p., 25 €

L’espace européen occidental fut, dès le Moyen Âge, très actif dans l’élaboration de modes de paraître et d’apparences qui ont su s’étendre à d’autres espaces géographiques et culturels. Il est aussi un espace d’échanges internes intenses, lui-même soumis à des courants d’influence extérieurs qui ébranlent les représentations identitaires. Dans cet ouvrage les auteurs, issus de différentes disciplines des sciences humaines et sociales (histoire, histoire de l’art, sociologie, littérature, cultural et fashion studies) contribuent à enrichir la réflexion sur la sémiologie du paraître et sur ses espaces d’expression.
Replacées dans leur contexte historique, différentes formes du paraître sont présentées ici, allant des vêtements aux décors de table et d’intérieur, en passant par les collections d’art, les accessoires de nouvelles technologies et les parfums ! Elles expriment combien le paraître et les apparences sont multiformes. Leur juxtaposition dans cet ouvrage permet d’appréhender les modes de paraître comme un ensemble, alors que leurs manifestations matérielles, leurs modes de production et leurs modalités de diffusion dans la société et dans l’espace géographiques sont multiformes.
Si les apparences sont le produit d’un corps paré ou vêtu, animé par les gestes (et la parole), perceptible par l’odorat, selon les modes d’hygiène auxquelles il adhère, le paraître ne se réduit pourtant pas pour autant aux apparences corporelles. Il se met en scène dans un cadre matériel allant de l’habitat au mobilier en passant par la consommation alimentaire et les moyens de communication. Il prend aussi tout son sens en fonction des lieux et espaces où il s’exprime. Le rapport de l’homme aux objets et aux espaces dans lesquels il évolue leur donne un sens. Il est au cœur de son être. Cet ensemble est capital dans la définition des identités : celle d’un individu et sa place dans la hiérarchie des fortunes et des rangs ; celles d’un groupe national, social (hommes, femmes, adolescents, enfants, etc.) ou professionnel, ou d’une société donnée.

Table des matières

ISABELLE PARESYS
Paraître et Apparences. Une introduction

1ère partie : Signes et codes

Signes et codes

1. LEONE PRIGENT
Les coiffes de l’Alsacienne, signes identitaires provinciaux aux XVIIe et XVIIIe siècles

2. CLAUDIA KANOWSKI
Les surtouts de table d’orfèvrerie, signes d’apparence de la riche bourgeoisie et de la noblesse parisiennes au XIXe siècle

3. ROBERT BECK
Paraître dominical et jeu des apparences dans les villes françaises de la fin du XVIIIe siècle à celle du Second Empire

Âges du Paraître

4. JEAN-PAUL BARRIERE
Le paraître de la veuve dans la France des XIXe et XXe siècles

5. FLORENCE TAMAGNE
Le « blouson noir » : codes vestimentaires, subcultures rock et sociabilités adolescentes dans la France des années 1950 et 1960

6. CORINNE MARTIN
Téléphone portable et paraître. De nouvelles normes sociales chez les adolescents ?

Apparences professionnelles

7. ANTOINE DESTEMBERG
Le Paraître universitaire médiéval, une question d’honneur (XIIIe-XVe siècles)

8. BENOIST PIERRE
L’habit fait-il le moine ? Le paraître des religieux au temps de la réforme catholique (France, Italie)

9. CATHERINE DENYS
De « l’habit rayé du sergent » à l’uniforme du policier dans les anciens Pays-Bas méridionaux au XVIIIe siècle

Apprentissages et morales

10. CAROLINE DOUDET
Comment l’élégance vient aux provinciaux : l’apprentissage des codes du paraître dans Balzac au XIXe siècle

11. DANIEL DUBUISSON
Du visible à l’invisible. Le refus des apparences dans l’Inde ancienne et en Occident

2e partie : Espaces du paraître

Échanges

12. GIL BARTHOLEYNS
Le Brabant en Savoie. Marché textile et culture vestimentaire internationale autour de 1300

13. LEYLA BELKAID NERI
Croisements et hybridations des modes vestimentaires dans les sociétés urbaines méditerranéennes

14. LIANE MOZERE
Entre Manille et Paris : le paraître des domestiques philippines

Géographie et voyages

15. ISABELLE PARESYS
Apparences vestimentaires et cartographie de l’espace en Europe occidentale aux XVIe et XVIIe siècles

16. ODILE PARSIS-BARUBE
Le discours sur l’apparence des populations autochtones chez les voyageurs français du premier XIXe siècle

Paris dans la fabrique des apparences

17. EUGENIE BRIOT
Paris arbitre des élégances olfactives : avènement et sacre d’une capitale de la parfumerie (1800-1920)

18. AGNES ROCAMORA
Paris à la mode : la Parisienne dans la presse mode

19. WESSIE LING
Vers une nouvelle esthétique diasporique : espaces et modalités du travail des créateurs de mode étrangers à Paris

Micro-espaces du paraître et des apparences

20. CELIA FLEURY ET MAÏTE GOULLIART
Les intérieurs des élites arrageoises ou le goût et l’art de paraître dans une capitale provinciale au siècle des Lumières

21. MANUEL CHARPY
Amateurs, collectionneurs et chineurs parisiens au XIXe siècle. Un commerce des apparences entre centre et périphérie

Table des illustrations
Table des abréviations

Résumés des chapitres en français

Les résumés sont classés par ordre alphabétique des auteurs.
JEAN-PAUL BARRIERE Le paraître de la veuve dans la France des XIXe et XXe siècles Le moment du décès fait l’objet de conduites normées destinées à accepter la perte, à perpétuer un souvenir et à réintégrer les proches du défunt dans la société. Elles s’imposent à l’époux survivant, d’autant plus s’il s’agit d’une femme. Le veuvage, dans toutes ses gradations, fait l’objet d’un affichage dont le vêtement de deuil n’est qu’un des aspects. Ces règles, le plus souvent tacites ou réservées à l’aristocratie, deviennent de plus en plus explicites au XIXe siècle pour la bourgeoisie et s’étendent aux classes moyennes et populaires. La diffusion de ces usages, d’abord au Royaume-Uni, puis en France, crée une « mode » du deuil (vêtements, bijoux…), dont l’apogée se situe à la Belle Époque et, en France, entre les deux guerres. « Maisons de noir » et presse de mode développent un marché national et international spécifique. Outre les variations des canons esthétiques, les vêtements de deuil entretiennent des relations complexes avec le contexte politique (guerre, deuils nationaux) et social (utilisation symbolique de la veuve), exhibant ou brouillant les codes vestimentaires. S’affranchir de ces contraintes a aussi contribué à émanciper les femmes de l’institution familiale et du regard social.

GIL BARTHOLEYNS
Le Brabant en Savoie. Marché textile et culture vestimentaire internationale autour de 1300 La reconstitution du marché d’exportation du drap brabançon vers les cours princières et en particulier vers le comté de Savoie dans le premier tiers du XIVe siècle, met bien en lumière la multiplicité des facteurs qui entra en jeu dans la transformation des apparences par ce marché. Le port précoce et soutenu d’étoffes brabançonnes (ce « drap des rois ») par la cour savoyarde a en effet dépendu à la fois de la politique commune des deux États, des intérêts économiques convergents couronnés par une alliance matrimoniale, des réseaux financiers préexistants, de la biographie spécifique des principaux agents et de l’importation sur le lieu de consommation d’un modèle culturel, avec ses professionnels – autant d’éléments qui ont introduit durablement des nouvelles manières de s’habiller. Ce cas donne en outre l’occasion de nuancer le modèle diffusionniste classique : des grands centres (Londres, Paris ou les centres pontificaux) vers les cours régionales. Ces dernières, comme marchés d’essai, pouvaient être à bien des égards des lieux d’innovation internationale.

ROBERT BECK
Paraître dominical et jeu des apparences dans les villes françaises de la fin du XVIIIe siècle à celle du Second Empire Suite à l’amélioration de la condition populaire, le fait de s’endimancher au sein du peuple des villes quitte, à la fin de l’Ancien Régime, les simples sphères de la propreté et de la décence, imposées par l’Église, pour entrer dans le jeu des apparences et du mimétisme sur les scènes principales de la vie du dimanche. Ce paraître dominical fait partie d’un dimanche festif caractérisé par le règne du peuple des villes sur l’espace public urbain à la fin de l’Ancien Régime et dans la première moitié du XIXe siècle. Cette forme d’endimanchement populaire possède aussi une dimension revendicatrice et égalitaire qui la rend inadmissible aux yeux des élites. Le discours de celles-ci sur les conséquences néfastes des toilettes luxueuses des classes populaires ne s’estompe qu’avec la fin du dimanche festif et avec la disparition de la fête ouvrière du lundi dans la seconde moitié du XIXe siècle. Dorénavant, le vêtement du dimanche des milieux populaires signale l’acceptation de certaines normes de la bourgeoisie, ce qui le rend alors acceptable par cette dernière.

LEYLA BELKAÏD NERI Croisements et hybridations des modes vestimentaires dans les sociétés urbaines sud et nord méditerranéennes L’étude de l’évolution des codes du paraître dans les sociétés urbaines méditerranéennes passe par l’appréhension du monde méditerranéen en tant qu’espace d’hybridation permanente. L’identification des vecteurs d’échange et des éléments empruntés qui sont à l’origine de la mutation des modes vestimentaires permet l’analyse des mécanismes complexes qui sous-tendent l’histoire du costume des villes côtières et portuaires de Méditerranée, lieux privilégiés de croisement des influences culturelles et des apports stylistiques, textiles et techniques. Les itinéraires historiques et la mise en évidence des caractéristiques formelles, fonctionnelles et signifiantes de deux archétypes vestimentaires féminins provenant du sud et du nord du Bassin occidental de Méditerranée éclairent ce propos : notre contribution porte sur le caraco, veste ajustée au corps qui apparaît à Alger vers la fin du XIXe siècle, et sur le mezzaro, voile drapé qui perdure à Gênes jusqu’au début du XIXe siècle.

EUGENIE BRIOT
Paris arbitre des élégances olfactives : avènement et sacre d’une capitale de la parfumerie (1800-1920) Tout au long du XIXe siècle, Paris construit son statut d’arbitre du bon goût et des élégances olfactives. Au coeur de cette entreprise de conquête, deux terrains concentrent des enjeux particulièrement fondamentaux : celui du marché, tout d’abord, mais aussi celui de l’image. Ainsi, que ce soit à l’échelle nationale, face aux industries du Midi, ou à l’échelle internationale, face à l’Angleterre et à l’Allemagne, ce n’est que très progressivement, et au terme d’un processus aux ressorts multiples, que Paris acquiert son rang de capitale de la parfumerie. Capitale de la parfumerie en termes de production, capitale en termes de création, Paris se construit en dernière analyse une image de capitale en termes de bon goût et d’élégance. C’est cette patiente entreprise d’affirmation d’une puissance de prescription du paraître olfactif, sur les acquis du passé mais aussi à la lumière des données du siècle, que ce chapitre s’efforce de mettre en évidence et d’éclaircir.

MANUEL CHARPY Amateurs, collectionneurs et chineurs parisiens au XIXe siècle. Un commerce des apparences entre centre et périphérie Au XIXe siècle, le commerce des signes et des apparences rencontre constamment celui des antiquaires, brocanteurs et autres marchands d’occasion. Paradoxalement, dans un siècle qui s’enivre de la haute nouveauté, ils jouent un rôle central. C’est grâce à leur concours que la bourgeoisie décore ses appartements de mille signes ennoblis et anoblis par le temps : tableaux, estampes, bibelots, meubles… Dans un siècle épris d’histoire, les antiquaires proposent une réserve inépuisable de signes du passé. L’engouement est sans limite pour les objets anciens, exotiques et rustiques, autant d’ « ailleurs » qui font rêver. Car pour l’homme du XIXe siècle, quitter Paris pour la banlieue, la province ou l’Orient, c’est voyager dans le temps. Pour répondre à cet appétit, antiquaires et artisans encrassent les tableaux et patinent les objets. Dans le même temps, les meubles du Faubourg Saint-Antoine sont installés dans les fermes normandes où les Parisiens viennent les acheter. Et c’est aux confins de la ville que la bourgeoisie s’imagine découvrir chez les brocanteurs des objets rares et où elle satisfait son désir de Chine. La quête de l’authentique qui est « le terme sacramental de l’antiquaire » (Mallarmé) donne lieu à une industrie florissante du faux et à une délocalisation généralisée.

CATHERINE DENYS De « l’habit rayé du sergent » à l’uniforme du policier : évolution et diffusion des modèles d’apparence policière au XVIIIe siècle L’apparence des policiers ne se résume pas à un simple choix esthétique de vêtements uniformes. Dans les villes des anciens Pays-Bas au XVIIIe siècle, les autorités communales s’interrogent sur les signes distinctifs que doivent arborer leurs sergents de police. Même si la préférence des échevins reste forte en faveur des habits aux couleurs de la ville et d’une police ostentatoire, une tendance apparaît en faveur d’une police en civil, plus discrète et plus efficace. D’autre part, les tenues des policiers s’approchent de plus en plus des uniformes de l’armée, l’apparence participant ainsi à un mouvement général de militarisation des polices.

ANTOINE DESTEMBERG
Le Paraître universitaire médiéval, une question d’honneur (XIIIe-XVe siècles) Au milieu du XIIIe siècle, Thomas d’Aquin définissait l’honor comme une « vertu sociale » qui s’exprime notamment par des « signes extérieurs ». Dans la société médiévale, au sein de laquelle il convient d’agir et de paraître selon son honneur, gestes et vêtements doivent ainsi témoigner du statut et du rang social de la personne. Pour le milieu universitaire qui tend à s’affirmer en tant que milieu social autonome, propriétaire de ses propres codes gestuels et vestimentaires, ces derniers participent à la construction identitaire de ces intellectuels médiévaux. Cette culture du paraître au sein des universités médiévales trouve ses fondements dans la littérature morale et didactique, notamment les traités de discipline destinés aux étudiants et aux maîtres, ainsi que les statuts réglant la vie dans les collèges ou au sein des universités. Les images et les rituels universitaires, telles que les cérémonies de passage de grades, témoignent également de l’importance de cette composante vestimentaire. Ces systèmes ritualisés tendent à créer visuellement la hiérarchie sociale et participent de l’investissement symbolique de ces signes du paraître universitaire. Enfin, les exempla permettent de souligner le rôle du vêtement dans l’imaginaire de ces intellectuels médiévaux, un rôle contesté par les auteurs dominicains qui dénoncent régulièrement le manque d’humilité du paraître universitaire.

CAROLINE DOUDET
Comment l’élégance vient aux provinciaux : l’apprentissage des codes du Paraître dans Illusions perdues de Balzac Les héros balzaciens et en particulier ceux des Illusions perdues portent une attention considérable à tout ce qui relève du domaine des apparences : vêtements bien sûr, mais aussi gestuelle, façon de parler, cadre de vie, lieux de sortie. Or ces apparences sont régies par des codes stricts, ceux de l’aristocratie parisienne de la Restauration. Ce chapitre se propose de montrer comment deux provinciaux, qui à l’origine ne connaissent pas ces codes, peuvent se les approprier, chacun d’une manière différente, et devenir de véritables élégants.

DANIEL DUBUISSON
Du visible à l’invisible. Le rejet des apparences dans l’Inde ancienne et en Occident Toutes les sociétés connues ont élaboré des codes précis permettant à chacun de leurs membres de dire son statut, sa fortune, son âge et son sexe. A cette fin, elles ont utilisé les repères les plus évidents et les plus visibles : vêtements, parures, signes corporels en particulier. Mais l'on oublie très souvent que ces mêmes systèmes de signes et les valeurs qu'ils véhiculaient ont été soumis très tôt à des critiques radicales de la part des ascètes, des ermites, des mystiques et de nombreux courants monastiques. La présente étude comparative examine les arguments que l'Inde et l'Occident ont conçus afin de justifier leur propre renoncement aux apparences.

CELIA FLEURY ET MAÏTE GOUILLIART
Les intérieurs des élites arrageoises ou le goût et l’art de paraître dans une capitale provinciale au siècle des Lumières Comment l’art de paraître se manifeste-t-il au XVIIIe siècle, à Arras, capitale provinciale au lourd héritage bourguignon, géographiquement et politiquement proche de Paris ? L’étude des intérieurs de la noblesse locale, à partir d’un corpus d’inventaires après décès et de saisies révolutionnaires, permet d’évaluer la part de l’investissement financier dans les objets du paraître, de mettre en regard espaces publics et privés, mais aussi d’avoir un aperçu des goûts et intérêts intellectuels et artistiques des propriétaires. L’analyse portera tant sur les objets mobiliers que décoratifs particulièrement appréciés par ces élites. Les différents modes de paraître sont-ils liés à l'origine familiale, géographique et/ou à l'appartenance sociale ? L'adoption des nouvelles normes parisiennes du siècle des Lumières ou, au contraire, un comportement plus conservateur, se révèlent-ils dans les choix esthétiques des personnages rencontrés ?

CLAUDIA KANOVSKI
Les surtouts de table d’orfèvrerie, signes du Paraître de la riche bourgeoisie et de la noblesse parisiennes au XIXe siècle Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la riche bourgeoisie et la noblesse parisiennes firent commande d’une quantité étonnante de services de table (surtouts, corbeilles, étagères, candélabres et flambeaux, services à thé et à café) pour décorer les tables de leurs hôtels particuliers. Ces commandes peuvent être considérées dans leur cadre socioculturel, plus large que celui que leur attribue l’histoire de l’art « classique ». Le chapitre traite de la clientèle privée et de la production de deux importantes maisons d’orfèvrerie existant encore aujourd’hui à Paris : Christofle et Odiot. La période de l’étude s’étend du Second Empire jusqu’à la fin du Siècle. Elle aborde le somptueux décor de table comme un élément indispensable à la manifestation de la réussite sociale. Elle montre que le choix du fournisseur était révélateur de la position du commanditaire envers les nouvelles techniques industrielles et même de sa position politique. Enfin, le choix du style (néo-Louis XIV, néo-Louis XV, néo Louis XVI) peut être lu comme signe d’identité culturelle et nationale

WESSIE LING
Vers une nouvelle esthétique diasporique : espaces et modalités du travail des créateurs de mode étrangers Paris Les stylistes de mode choisissent Paris pour la manière dont la capitale et sa mode sont perçus. Ils s’inspirent de la ville et s’approprient des éléments du style parisien pour les actualiser. Leurs créations sont en étroite interaction avec la caractérisation symbolique qui identifie Paris. Mais qu’est ce que le style parisien ? Comment s’associe-t-il avec celui des créations des stylistes de mode ? L’assimilation de ce style joue-t-il un rôle dans la création des stylistes de mode ? Si oui dans quelle mesure ? Cet exposé explore donc la relation entre la force symbolique de Paris comme capital de mode et les types de styles de ses créateurs. Une attention particulière sera apportée à l’étude des stylistes étranger du siècle précédent qui ont choisi de s’installer à Paris. Ce chapitre enquête sur la « production cachée » (Certeau, 1984) de ces créateurs et la fascinante relation entre le style parisien et les différentes typologies que revêtent leurs styles.

CORINNE MARTIN Téléphone portable et paraître. De nouvelles normes sociales chez les adolescents ? Comment se construit socialement la norme d’usage du téléphone portable dans l’espace public ? En quoi cet objet participe-t-il à la mise en scène de soi ? Une analyse de l’évolution des frontières privé/public, de celle de la notion d’intimité liée à la modernité permet de comprendre la production et l’incorporation de ces nouvelles normes. Outil d’expression identitaire, le portable favorise l’autonomisation de ces jeunes adolescents au sein du groupe familial. Objet personnel intégré dans les habitudes et routines corporelles, il fonctionne telle une extension corporelle. Sa personnalisation — sonneries, logos — atteste d’un véritable attachement affectif et montre combien son appropriation participe, sur un mode ludique, à la construction des apparences et du paraître. La démarche est interdisciplinaire, puisant tant dans la sociologie des usages que dans les approches anthropologiques de la culture matérielle. L’étude est fondée sur un corpus constitué d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de jeunes adolescents et leur famille ainsi que sur une analyse du discours médiatique.

LIANE MOZERE Entre Manille et Paris : le paraître des domestiques philippines Une recherche empirique conduite auprès de domestiques philippines à Paris a permis d’analyser différents régimes et modalités du paraître lors de leur migration. Que ce soit en effet au départ (négociation de l’arrangement pour le voyage), au cours du trajet aérien, ou à l’arrivée, ces femmes doivent interpréter les situations et trouver l’apparence adaptée en fonction du contexte et des circonstances pour dis-paraître lorsqu’elles sont en infraction (sans papiers ou faux papiers), adopter une apparence légitime lorsqu’elles se déplacent dans l’espace urbain et composer un paraître lors de leurs voyages aux Philippines où elles deviennent les prototypes de la parisienne cosmopolite qui influence le goût, les apparences et les habitudes dans l’archipel.

ISABELLE PARESYS
Apparences vestimentaires et cartographie de l’espace en Europe occidentale aux XVIe et XVIIe siècles La présence de figures des apparences vestimentaires des différents peuples est frappante dans les grands atlas des XVIe et XVIIe siècles. À partir de deux grandes entreprises éditoriales d’Europe du Nord de cette époque, le Civitates Orbis Terrarum de Braun et Hogenberger (Cologne, 1572) et l’Atlas Novus des Blaeu (Amsterdam, 1635), ce chapitre aborde les relations qu’entretiennent ces figures costumées des peuples avec la représentation de l’espace urbain et géographique. Leur présence repose sur une tradition cartographique humaniste pour laquelle l’Homme fait partie intégrante de l’espace, au premier plan ou dans des vignettes latérales de la carte. Ces figures exercent une fonction qui n’est pas seulement didactique au sujet des peuples. Ils sont aussi les emblèmes des espaces géographiques qu’ils identifient et distinguent, visuellement, à travers les différentes apparences vestimentaires de leurs habitants. Dans le Civitates, les figures des citadins d’Europe occidentale incarnent l’urbanité, par leurs vêtures et leurs postures. Dans les atlas, les figures costumées sont également des éléments visuels qui aident le lecteur d’Europe occidentale à prendre la mesure de la différence et de l’altérité vestimentaire. Elles aident ainsi indirectement à prendre conscience de la distance géographique qui le sépare les espaces cartographiés par les grands atlas du temps.

ODILE PARSIS-BARUBE Le discours sur l’apparence des populations autochtones par les voyageurs français du premier XIXe siècle. La recherche de la couleur locale, référence théorique sur laquelle la génération d’Augustin Thierry fonde une nouvelle écriture de l’histoire, contamine l’écriture du voyage dès la Restauration. Renforcée par les détails ethnologiques, l’idée du genius loci se nourrit du culte de la nature et de la volonté de sauvegarder un patrimoine dont les érudits du temps entreprennent l’inventaire. Le discours sur les populations locales s’inscrit à l’exacte intersection des traditions encyclopédiques du déchiffrement du territoire et de la poétique romantique du voyage sentimental. L’évocation de leur apparence physique, vestimentaire, gestuelle et vocale participe de la construction des nouveaux codes esthétiques et idéologiques du voyage. Elle s’inscrit dans une tension entre recherche de figures archétypales renvoyant à l’image immémoriale de provinces conservatoires de tous les archaïsmes et exacerbation de particularités témoignant de l’influence des caractères physiques des lieux sur ceux des habitants.

BENOIST PIERRE
L’habit fait-il le moine ? Le paraître des religieux au temps de la réforme catholique (France, Italie) Aux XVIe et XVIIe siècles, les débats sur l’apparence extérieure des religieux étaient au cœur des réformes monastiques et de la création des nouveaux instituts. Ils portaient notamment sur le vêtement. On recherchait l’habit le plus proche des origines ou celui qui symbolisait le mieux la vérité du message évangélique. On s’interrogeait sur la couleur, la matière, la longueur, l’épaisseur du tissu, mais aussi sur la distinction entre le costume revêtu au cloître et celui qui était utilisé pour le chœur ou porté à l’extérieur. Le paraître devenait un moyen essentiel de reconnaissance, d’identité et d’affirmation pour les religieux. Par le jeu des couleurs, des coupes et des tissus, l’habit permettait aussi de qualifier dans l’instant les choix spirituels et théologiques des ordres nouveaux, comme les héritages et les traditions auxquels les clercs s’apparentaient et qu’ils entendaient défendre. Ces différentes options et disputes, confinées dans les archives des ordres monastiques, n’ont guère été étudiées jusqu’à ce jour pour analyser l’apparence extérieure des religieux et surtout en saisir les fondements et les incidences culturelles les plus profondes. À partir de l’étude de quelques grands ordres bien insérés dans la réforme catholique, principalement en France et en Italie, cet article examine les changements et le sens du paraître clérical dans les sociétés européennes d’Ancien Régime.

LEONE PRIGENT
Les coiffes de l’Alsacienne, signes identitaires provinciaux aux XVIIe et XVIIIe siècles La coiffe n’a jamais été un simple accessoire de mode mais elle a toujours été un élément essentiel chargé de significations particulières. À l’époque moderne, quels que soient leur âge et leur condition sociale, les femmes portent des couvre-chefs de formes et de fonctions différentes. Dans une société hiérarchiquement ordonnée, où le statut de chaque individu doit être clairement identifiable à ses habits, la coiffe est à la fois un marqueur social, distinguant la dame noble de la bourgeoise et de la paysanne, et le signe d’un état indiquant à la communauté la situation de la femme en tant que jeune fille, épouse ou veuve. Au-delà, dans une région située à mi-chemin entre deux nations, la coiffe est souvent perçue comme l’attachement à une identité. L’imprégnation d’une sensibilité culturelle double, à la fois germanique et française, a fortement influencé les modes vestimentaires faisant de l’Alsacienne et de ses mises une figure intéressant voyageurs et auteurs des recueils de costumes. Le fait que la coiffe soit le point de mire de leurs sentiments de curiosité et d’étonnement n’est guère surprenant, car plus que tout, la coiffe devient le symbole d’une identité avant même la création des costumes régionaux au XIXe siècle.

AGNES ROCAMORA
Paris à la mode : la Parisienne dans la presse mode Se fondant sur une étude de la presse de mode Française contemporaine, ce chapitre offre une analyse de la production discursive de la capitale française afin d’examiner la façon dont la presse de mode a contribué à la reproduction du mythe de Paris et de la consécration de cette ville dans le champ international de la mode. Ce faisant, l’essai aborde un sujet clef dans les débats sur la vie culturelle française: le centralisme de la culture française et la division Paris/province. Afin d’explorer comment cette division est articulée dans les médias, et afin d’examiner le processus de ‘production symbolique’ de Paris, ‘Paris à la Mode’ ce concentre plus particulièrement sur le thème de ‘la Parisienne’. Ce thème, au centre de nombreux discours sur la capitale française dans la littérature comme dans les arts visuels, est régulièrement mobilisé, en France, par la presse mode. Incarnation de Paris, la Parisienne, et sa fréquente représentation en figure de la passante, est le modèle à suivre. Par la même, un certain discours sur la mode et la ville est produit, diverses valeurs sont attribuées à la capitale française ; un certain ‘Paris’ est créé.

FLORENCE TAMAGNE
Le « blouson noir » : codes vestimentaires, subcultures rock et identités adolescentes dans la France des années 1950 et 1960 À partir de l’exemple de la France des années 1950 et 1960, ce chapitre montre comment le « blouson noir », associé dans les médias au rock et à la délinquance juvénile peut se lire à la fois comme un signe de reconnaissance, une marque infâmante ou le symbole d’une jeunesse en crise. Le chapitre dresse également une géographie des « blousons noirs » : au niveau européen tout d’abord, en mettant en évidence les influences réciproques et les transferts culturels ; au niveau national et local ensuite, en mettant l’accent sur la maîtrise de l’espace urbain et l’existence réelle ou fantasmée de « bandes » s’affrontant pour la conquête ou la défense de leur « territoire ». À partir des variables d’âge, de classe, et de genre, est enfin abordé le rôle joué par les subcultures de la jeunesse dans la construction des identités adolescentes, notamment en terme de rapports entre les sexes et de mise en scène de soi.

Un premier compte-rendu de l'ouvrage sur "liens-socio. org" (le 27 juin 2008): http://www.liens-socio.org/article.php3?id_article=3537&var_recherche=paresys