L'exposition : « FIOR DI BARBA : la Barbe dans l’Art entre Sacré et Profane » [Paris - Galerie Maurizio Nobile, jusqu'au 23 décembre 2011]
Fruit de la recherche de l’antiquaire Maurizio Nobile,
toutes les œuvres ont un seul dénominateur commun : la barbe et son rôle
tel qu’il apparaît au cours des siècles. Des œuvres à thèmes mythologiques
côtoient des peintures liées à la tradition judéo-chrétienne pour finalement
guider l’œil du spectateur vers une série de portraits de personnages
importants, réalisés entre le Cinquecento et l’Ottocento.
Jean-Marie Le Gall, Barbes et moustaches XVe-XVIIIe siècles, Paris, Payot, 2011. [livre]
Le sujet peut prêter à sourire. Est-ce bien sérieux pour un historien que de traiter de barbes et de moustaches ? De nos jours où la barbe est un indice de fondamentalisme ou d'archaïsme, l'avenir est au glabre. Mais qu'en était-il sous l'Ancien Régime ? Dans la lignée d'une certaine histoire du corps, Jean-Marie Le Gall est intimement convaincu qu'hier comme aujourd'hui elle reste un identificateur social chargé de sens.
Si le glabre domine en Europe à la fin du Moyen Age, la pilosité faciale devient au début du XVIe siècle un phénomène de mode, né dans les cours princières d'Italie. Les défaites subies par la péninsule ont en effet mis à mal la virilité des Italiens, qui redéfinissent un nouvel idéal masculin et chevaleresque. Un idéal qu'incarnent à la perfection trois jeunes souverains arborant fièrement barbes et moustaches : François Ier, Henri VIII et Charles Quint. Vite adoptée par la noblesse puis par la bourgeoisie, cette prolifération du poil envahit tous les visages d'Europe pendant plus d'un siècle avant que le lisse ne l'emporte à nouveau à la fin du XVIIe siècle. Symbole des gens de pouvoir et de savoir, elle est à la fois un élément de hiérarchisation sociale, au même titre que les vêtements, de supériorité raciale, l'homme poilu européen étant forcément plus accompli que l'Indien imberbe, ainsi qu'un marqueur religieux. L'avènement d'un univers plus policé et plus civilisé, celui de la galanterie, sonne toutefois le glas de la pilosité faciale. Dès lors, la barbe semble l'expression désuète d'une masculinité arrogante et doit céder la place à la perruque, qui assure aux élites la distinction nécessaire.
A la confluence de l'histoire des mentalités, des représentations et du sensible, l'auteur nous convie à un impertinent voyage au pays de cette virilité que les hommes n'ont jamais cessé d'interroger.