Moscou, juin 1959. Les mannequins de la Maison Dior défilent au Palais des sports. Pendant ce temps, les Soviétiques ordinaires font la queue des heures durant devant les magasins et cherchent désespérément de quoi se vêtir. La mode a pourtant droit de cité au pays du socialisme. Des revues spécialisées existent, les nouvelles tendances lancées par les créateurs moscovites passent aux actualités cinématographiques, tandis que les zazous soviétiques arborent pantalons moulants, vestes bariolées et cravates lacets...
L'univers de la mode reflète toutes les contradictions du Dégel et de la déstalinisation. Les tentatives pour "éduquer le goût" des Soviétiques, les efforts pour adapter la production vestimentaire à la demande, la timide ouverture de la société vers l'Occident cohabitent avec un système fortement hiérarchisé et centralisé. À partir d'archives inédites, Larissa Zakharova dresse un tableau passionnant de la vie quotidienne de millions de Soviétiques. Et montre que, dans une société qui se proclame égalitaire, la distinction sociale passe d'abord et surtout par la façon de s'habiller.
Larissa Zakharova, S'habiller à la soviétique. La mode et le Dégel en URSS, CNRS, coll. « Mondes russes », 2011.